Le 11 mars 2015, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision condamnant pour des pratiques d’entente les principaux fabricants de produits laitiers frais dans le secteur des marques de distributeurs, pour un montant total de 192.700.000 euros.
Les produits laitiers frais (yaourts, crèmes fraiches, fromages frais et desserts lactés) peuvent être commercialisés sous la marque du fabricant (tel que Yoplait ou Danone) ou sous la marque du distributeur (tel que Carrefour ou Auchan). Dans les deux cas, les producteurs sont les mêmes entreprises, à l’exception de Danone, qui n’est présent que dans le secteur des marques de fabricants, et n’est donc pas concerné par l’entente en question. A cette exception près, tous les acteurs importants du secteur sont condamnés par cette décision.
En l’espèce, les pratiques d’entente étaient particulièrement élaborées : les participants se réunissaient et communiquaient à l’aide de téléphones secrets, enregistrés au nom de leurs proches. Ils échangeaient des informations sur les prix et se mettaient d’accord sur des hausses communes.
Les marchés étaient également répartis, et en cas de déviation d’un des membres de l’entente, un système de compensation avait été mis en place : les volumes récupérés « indument » par un opérateur aux dépends d’un autre créaient une « dette » en volume, récupérable par l’opérateur « lésé ». Dans le cadre de cette répartition des marchés, les fabricants truquaient les réponses aux appels d’offre des enseignes de grande distribution, afin que chacun conserve ses parts de marché.
Dans sa décision, l’Autorité de la concurrence rappelle que les pratiques en cause, qui ont durées de 2006 à 2012, sont parmi les plus graves qui existent en droit de la concurrence. Néanmoins, l’Autorité tient compte de la situation particulière de la filière lait : le lait a en effet connu de fortes variations de prix. Celles-ci sont directement répercutées sur les fabricants de produits frais, qui, en revanche, ne peuvent pas toujours les répercuter sur les enseignes de grande distribution. En effet, celles-ci ont une force de négociation importante. En matière de marques de distributeurs, les fabricants ne peuvent absolument pas se distinguer les uns des autres et fidéliser une clientèle (contrairement au secteur des marques de fabricants).
L’un des participants (Novandie) a obtenu une réduction d’amende pour avoir joué un rôle de franc-tireur et avoir perturbé le fonctionnement même du cartel en adoptant un comportement pro-concurrentiel, lors d’un épisode qualifié de « guerre des prix » par l’Autorité avec l’entreprise Senagral (et ce malgré le fait que cette guerre des prix se soit soldée par un retour du frondeur dans l’entente).
Cette décision montre une nouvelle fois le succès et l’utilité des procédures négociées : l’entente a été mise à jour grâce à la demande de clémence de Yoplait (et de General Mills, sa société-mère), puis de Senagral. La plupart des entreprises concernées ont, en outre, eu recours à la procédure de non-contestation des griefs, à l’exception de LSM, Yoplait, et Senagral (ce dernier a demandé à en bénéficier outre sa clémence de second rang, mais l’Autorité a refusé), ce qui a facilité l’instruction.
Le communiqué de presse de l’Autorité et le texte complet de la décision sont respectivement disponibles ici et ici.