Le 27 octobre 2016, la Cour d’Appel de Paris a rendu sa décision à propos de pratiques mises en œuvre dans deux marchés – celui des produits d’entretien et celui des produits d’hygiène. Elle confirme presque intégralement la décision n°14-D-19 du 18 décembre 2014 par laquelle l’Autorité de la concurrence avait condamné 13 entreprises à payer des amendes d’un total de 951 millions d’euros pour leur participation à deux ententes sur chacun des deux marchés.
Pour rappel, ces ententes étaient nées au début de l’année 2003 au moment où les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs étaient régies par la loi « Galland », laquelle avait entraîné une véritable inflation, en limitant la concurrence entre les différents acteurs. Les pouvoirs publics s’étaient donc attelés à modifier ce système afin de faire baisser les prix de vente aux consommateurs. Pour éviter tout accroissement de la concurrence, les fournisseurs de la grande distribution en produits d’hygiène et d’entretien s’étaient alors concertés sur leur politique commerciale à l’égard de leurs distributeurs pour favoriser la convergence des prix. La concertation secrète et régulière avait lieu au sein de plusieurs cercles dénommés « Team » ou encore « Amis ».
Par ailleurs, l’affaire avait été portée à la connaissance de l’Autorité de la concurrence entre janvier 2006 et juillet 2008 par 3 sociétés – SC Johnson, Colgate Palmolive et Henkel – qui avaient sollicité, et obtenu, dans diverses proportions, le bénéfice du programme de clémence.
L’Autorité de la concurrence avait considéré que les différentes pratiques concertées organisées dans chacun des deux secteurs avaient un objet anticoncurrentiel et étaient contraires aux articles 81 du traité CE, devenu l’article 101 TFUE et L. 420-1 du Code de commerce.
Par le présent arrêt, la Cour d’appel de Paris confirme cette conclusion. Elle estime que les échanges qui portaient sur des éléments de formation du prix étaient de nature anticoncurrentielle et qu’il n’était pas nécessaire de démontrer leur nocivité réunion par réunion, ni de préciser davantage leur caractère anticoncurrentiel.
S’agissant plus particulièrement de la clémence et de la non contestation des griefs, la Cour d’appel confirme presque en totalité la décision de l’Autorité de la concurrence. A propos de la non-contestation des griefs, la Cour fait néanmoins droit à la demande de la société Henkel. Cette dernière dénonçait la méconnaissance à son égard du principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle avait bénéficié de la même réduction que Colgate Palmolive alors que les engagements souscrits par Henkel étaient plus substantiels. La Cour réforme donc la décision de l’Autorité sur ce point en augmentant la réduction de l’amende accordée à Henkel à ce titre.
Concernant les modalités de calcul de l’amende, la question posée à la Cour d’appel portait sur l’assiette à prendre en compte pour la détermination du montant de base. La démarche de l’Autorité qui avait pris en compte le chiffre d’affaires, déduction faite des seules remises sur factures et remises conditionnelles – et non des remises de coopération commerciale – est approuvée par la Cour.
Enfin, à propos de l’évaluation de la gravité des pratiques, la Cour valide également l’approche de l’Autorité qui avait considéré que les infractions en question avaient causé un dommage certain à l’économie du fait de leur ampleur nationale, des caractéristiques des marchés en cause, et de l’existence de fortes barrières à l’entrée. La Cour ajoute qu’il est possible pour l’Autorité de procéder à une appréciation globale de l’importance du dommage à l’économie, comme de la gravité des pratiques, dès lors qu’elle tient compte de la contribution individuelle de chaque entreprise aux pratiques.
La décision de l’Autorité est donc presque intégralement approuvée par la Cour d’appel, celle-ci ne réduisant les amendes que de 2,2 millions d’euros – principalement du fait de la réduction majorée accordée à Henkel.
Le texte de la décision est disponible ici.
Source : Autorité de la Concurrence