L’Autorité de la concurrence a rendu le 18 décembre 2014 la décision n° 14-D-19 concernant deux ententes horizontales, l’une dans le domaine des produits d’entretiens de maison et l’autre dans le domaine des produits d’hygiène corporelle, mises en œuvre en violation des articles 101.1 TFUE et L. 420-1 du Code du commerce.
Les plus grands fabricants de produits d’entretien et d’hygiène sont concernés, dont plusieurs ont participé aux deux ententes : Colgate-Palmolive, Henkel, Procter & Gamble, Unilever, Reckitt Benckiser, et Sara Lee. Deux entreprises sont uniquement concernées par l’entente sur les produits d’entretien (SC Johnson et Bolton Solitaire) et cinq autres le sont uniquement par celle sur les produits d’hygiène corporelle (L’Oréal, Beiersdorf, Gillette, les laboratoires Vendôme et Vania). Les produits concernés sont des produits de grande consommation comme les liquides vaisselles et les gels douche et les pratiques se sont étendues à l’ensemble du territoire français et à toutes les enseignes de la grande distribution.
Ces ententes ont été révélées grâce à la procédure de clémence, par SC Johnson pour les produits d’entretien et Colgate-Palmolive pour les produits d’hygiène. Suite aux révélations de ces entreprises, des opérations de visite et de saisie avaient permis de prendre les participants sur le fait, durant une réunion secrète au restaurant. De plus, l’instruction a été facilitée et accélérée par le fait que la plupart des entreprises concernées ont demandé à bénéficier de la procédure de non-contestation des griefs.
Ces deux ententes avaient des objectifs identiques : permettre aux fabricants de produits d’hygiène ou d’entretien de maintenir des prix concertés élevés face à la grande distribution, pour contrecarrer les efforts législatifs d’abaissement des prix (notamment par la circulaire Dutreil, l’engagement Sarkozy puis la loi Dutreil).
Elles fonctionnaient également selon des mécanismes très similaires : des échanges d’informations détaillés sur les prix futurs, les chiffres d’affaires et les stratégies commerciales vis-à-vis des distributeurs, ayant lieu à la fois lors de réunions stratégiques et par correspondances secrètes. Les participants ayant connaissance des stratégies et des intentions de prix de leurs concurrents se trouvaient ainsi en position de force face aux enseignes. Certains actes de coopération plus poussés ont également parfois eu lieu, notamment l’établissement de stratégies communes vis-à-vis des distributeurs.
Les sanctions imposées par l’Autorité font partie des plus lourdes jamais infligées : 345,2 millions d’euros au total pour le secteur de l’entretien, et 605,9 millions au total pour le secteur de l’hygiène, et ce malgré la mise en œuvre des procédures de clémence et de non-contestation des griefs ayant permis une réduction des sanctions. Deux facteurs expliquent l’importance de ces sanctions : la gravité des pratiques, d’une part et la puissance économique des groupes impliqués dans les ententes, d’autre part. En effet, comme relevé dans la décision, les pratiques en cause, bien que ne correspondant pas à la définition d’un cartel sur les prix, ont eu pour effet de fausser la concurrence par les prix en entraînant une hausse du prix de biens de grande consommation préjudiciable aux consommateurs. Les ententes en cause ne sont donc pas considérées comme de « simples » échanges d’information, mais constituent des pratiques anticoncurrentielles par objet d’une « gravité particulière », bien qu’il s’agisse de pratiques concertées et non d’accords. L’Autorité a notamment tenu compte de la complexité des mécanismes mis en place et la régularité des échanges.
Certaines sociétés ont d’ores et déjà annoncé qu’elles feraient appel de cette décision.
Le communiqué de presse de l’Autorité est disponible ici.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
Source: Autorité de la concurrence
Un commentaire