La bataille n’est pas encore arrivée à son terme : la CJUE renvoie l’affaire Intel au Tribunal afin qu’il examine les arguments avancés par Intel relatifs à la capacité des rabais de fidélité à restreindre la concurrence.
En 2009 la Commission imposa une amende de plus de 1.060 millions d’euros à Intel, le fabricant américain de microprocesseurs, car ce dernier avait abusé de sa position dominante sur le marché des CPUs x86 violant ainsi l’article 102 TFUE.
La Commission ordonna donc à Intel de mettre fin à cette infraction de manière immédiate, au cas où elle ne l’aurait pas encore fait.
Selon la Commission, Intel avait abusé de sa position dominante sur le marché mondial des CPUs x86 entre octobre 2002 et décembre 2007, en mettant en œuvre une stratégie visant à exclure du marché son seul concurrent, la société Advanced Micro Devices, Inc. (AMD).
En premier lieu, la Commission avait considéré qu’Intel détenait une position dominante en raison de sa part de marché d’au moins 70% et que, en conséquence, il était extrêmement compliqué pour les concurrents d’accéder au marché et de pouvoir s’y développer en raison des investissements nécessaires en matière de recherche & développement, de propriété intellectuelle et de moyens de production ne pouvant pas être amortis.
En second lieu, l’abus avait consisté en l’adoption de diverses mesures par Intel à l’égard de ses propres clients (fabricants d’ordinateurs), d’une part, et du distributeur européen de dispositifs microélectroniques Media-Saturn-Holding, d’autre part :
– Intel avait accordé des rabais à quatre grands fabricants d’ordinateurs (Dell, Lenovo, HP y NEC) à condition que ces derniers achètent la totalité ou quasi-totalité de leurs CPUs x86. b. auprès d’Intel ;
– Intel avait effectué plusieurs paiements en faveur de Media-Saturn pour que celle-ci vende exclusivement des ordinateurs équipés des CPUs x86 d’Intel.
Selon la Commission, ces rabais et paiements auraient garanti la fidélité des quatre fabricants susmentionnés ainsi que celle de Media – Saturn, entrainant par là-même une réduction considérable de la capacité des concurrents d’Intel à concurrencer, par les mérites, les CPUs x86. De cette manière, le comportement d’Intel (contraire au droit de la concurrence) a limité les choix des consommateurs et les incitations à l’innovation.
Intel interjeta appel de la décision rendue par la Commission auprès du Tribunal sollicitant l’annulation de cette décision ou, à tout le moins, une réduction considérable de l’amende. Au moyen de l’arrêt rendu le 12 juin 2014, le Tribunal rejeta l’appel d’Intel dans son intégralité.
Dans son pourvoi devant la CJUE, Intel affirmait que le Tribunal a commis une erreur de droit en s’abstenant d’analyser les rabais litigieux et, donc, en ne tenant pas compte de la totalité des circonstances de l’affaire.
En réponse, la CJUE rappelle que le Tribunal avait validé l’argumentation de la Commission selon laquelle les rabais de fidélité accordés par une société détenant une position dominante ont, par leur propre nature, la capacité de limiter la concurrence, de sorte qu’il n’était pas nécessaire d’analyser la totalité des circonstances de l’affaire ni, en particulier, d’appliquer le test AEC (« As Efficient Competitor test »), c’est-à-dire le test du concurrent aussi efficace.
La CJUE indique ensuite que, bien qu’ayant affirmé que les rabais en question possédaient, en eux-mêmes, la capacité de limiter la concurrence, la Commission mena, cependant, une étude approfondi des circonstances du dossier, ce qui l’amena à conclure qu’un concurrent aussi efficace aurait été obligé de facturer des prix qui n’auraient pas été viables et, par conséquent, la pratique de rabais en question pouvaient entrainer l’exclusion du marché de ce concurrent. En effet, le test AEC joua un rôle important dans l’appréciation par la Commission de la capacité des pratiques de rabais à avoir comme conséquence directe l’exclusion du marché des concurrents.
Si la Commission a mené cet analyse dans laquelle elle affirme qu’un tel système de rabais présente un caractère abusif, il appartient au Tribunal d’examiner l’intégralité des arguments avancés par la partie demanderesse pour estimer les conclusions de la Commission infondées quant à la capacité du système de rabais en question à entraîner une exclusion du marché. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est obligé d’examiner l’intégralité des arguments avancés par Intel dans le cadre de ce test.
La CJUE annule l’arrêt rendu par le Tribunal pour s’être abstenu d’examiner les arguments d’Intel, dont sa capacité à mettre en œuvre des rabais pouvant limiter la concurrence.
En conclusion, la bataille n’est pas encore arrivée à son terme, puisque la CJUE a décidé de renvoyer l’affaire au Tribunal, pour que ce dernier examine, au vu des arguments avancés par Intel, sa capacité à mettre en œuvre des rabais pouvant limiter la concurrence
Source : CURIA