La France est l’un des derniers pays d’Europe occidentale à se doter d’un système d’action de groupe. Malgré l’important soutien du gouvernement, la loi relative à la consommation reste la cible de plusieurs critiques. En effet, alors qu’elle n’a pas encore été promulguée, cette loi fait déjà l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Il devrait néanmoins bientôt être enfin possible d’introduire une action de groupe devant les juridictions françaises.
Les restrictions
Le champ d’application de la loi est limité aux actions de groupe relatives au droit de la consommation et au droit de la concurrence. En outre, les consommateurs ne pourront introduire leur action que par l’intermédiaire d’associations de défense des consommateurs agréées sans pouvoir être représentés par des avocats. Ces dispositions font l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel au motif, notamment, qu’elles limitent le champ d’application de la loi et portent ainsi atteinte au droit des victimes d’être intégralement indemnisées pour le préjudice qu’elles ont subi.
Par ailleurs, étant donné que seuls les consommateurs, par le biais des associations agréées, peuvent introduire une action de groupe, les entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles ne pourront donc pas se grouper afin de poursuivre directement les entreprises ayant commis une infraction.
Les délais
La loi prévoit un délai de forclusion de cinq ans, à compter de l’adoption d’une « décision définitive » par la Commission européenne, les autorités nationales de concurrence (ANC) ou les tribunaux nationaux, pour que soit formé un recours à l’encontre d’une telle décision devant les tribunaux civils. En vertu du futur article L. 423-17 du Code de la consommation, une décision est définitive si toutes les possibilités de recours relatifs à l’établissement des manquements ont été épuisées au moment de l’introduction de l’action de groupe.
Dès lors, la possibilité de retarder l’introduction éventuelle d’une action de groupe, et donc l’éventuelle condamnation au paiement de dommages et intérêts, par la formation d’un recours portant sur l’établissement des manquements, pourrait influer sur la décision d’une partie de ne pas recourir à la transaction/non-contestation des griefs car elle les prive de la possibilité de contester l’établissement des manquements dans le cadre de leur recours.
Un système d’« opt-in »
En complément d’une procédure classique de type « opt-in », la loi prévoit une procédure simplifiée lorsque l’identité et le nombre de victimes sont connus du tribunal saisi, et que lesdits consommateurs ont subi un préjudice d’un montant identique.
Après avoir statué sur la responsabilité du(es) professionnel(s), le tribunal saisi pourra ordonner à ces derniers l’indemnisation directe et individuelle des victimes dans un délai déterminé et selon des modalités qu’il aura lui-même fixées. Toutefois, préalablement à toute réparation, les victimes qui auront été individuellement informées de la décision du tribunal devront accepter d’être indemnisées dans les termes de cette décision. Cette procédure simplifiée n’est donc pas de type « opt-out », mais constitue une procédure spécifique et unique d’« opt-in ».
L’extension potentielle du champ d’application des actions de groupe à la française
La loi prévoit que, dans les 30 mois suivants sa promulgation, le gouvernement français devra rédiger un rapport relatif à la mise en œuvre des actions de groupe. En outre, le 14 janvier 2014, deux propositions de loi visant à étendre le champ d’application de l’action de groupe pour y inclure les questions relatives, d’une part, à la santé et à l’environnement, et, d’autre part, aux discriminations, ont été soumises à l’Assemblée nationale.
Si la loi est finalement promulguée, ce qui semble probable, un décret en Conseil d’Etat viendra préciser les modalités de mise en œuvre des actions de groupe.
En tout état de cause, la loi aura une incidence sur de nombreuses et diverses matières du droit français, allant du droit des assurances au droit de la distribution. L’UFC Que Choisir, l’une des plus importantes associations de protection des consommateurs agréées par le gouvernement aux fins d’introduire une action de groupe, a d’ores et déjà déclaré que plusieurs actions sont prêtes à être introduites, leur dépôt ne dépendant plus que de la date de promulgation de la loi. Ainsi, les entreprises doivent se tenir prêtes.
Le potentiel impact sur les entreprises de l’introduction en France des actions de groupe demeure cependant incertain, non seulement car le champ d’application de la loi reste extrêmement limité, mais également en raison du fait que certaines dispositions de ce texte sont plutôt vagues, laissant leur interprétation à l’appréciation souveraine des tribunaux français.